Test de lactate pour courir au bon rythme
Une version cycliste de ce texte est disponible ici.
Dans un précédant billet, je justifiais le recours à un entraînement “polarisé” qui implique de s’entraîner la plupart du temps à une intensité sous le premier seuil (seuil aérobie) et de faire à l’occasion des intervalles à haute intensité au-delà du deuxième seuil (seuil anaérobie). Une distribution de la charge d’entraînement très simple en théorie, mais qui implique tout de même d’avoir des zones d’entraînement bien établies. Les intervalles se font généralement assez bien aux sensations et c’est plutôt quand vient le temps de faire son volume en endurance (la deuxième zone dans un système traditionnel à cinq ou six zones) que les choses se compliquent. Le maintient d’une intensité qui est « relativement facile » ou qui permet « d’avoir une conversation » repose sur des concepts assez subjectifs. C’est encore moins évident quand on débute dans le sport et qu’on a peu de repères, mais même certains coureurs expérimentés font toujours leur sortie en endurance un peu trop vite. Ce n’est pas évident pour tout le monde de comprendre que le « no pain, no gain » ne s’applique pas très bien à l’entraînement en endurance, mais c’est plus facile quand nos allures d’entraînement sont basées sur notre physiologie plutôt que sur nos sensations ou notre égo. Pour établir précisément ses zones d’entraînement, rien de mieux qu’un test de lactate.
D’abord, plusieurs connaissent plutôt l’acide lactique, mais dans le corps humain, l’acide lactique se retrouve plutôt sous forme de lactate puisqu’il perd un ion hydrogène. Une certaine quantité de lactate est constamment produite par le métabolisme suite à la dégradation des glucides (voir le schéma ci-dessous). Il est important de préciser que le lactate n’est pas un déchet métabolique, mais que celui-ci peut être transporté vers d’autres cellules, être reconverti en glucose et ultimement être utilisé comme source d’énergie. On parle donc plutôt de recyclage du lactate que d’élimination. Lorsque l’intensité de l’exercice augmente la production et le recyclage du lactate augmente aussi. À partir d’une certaine intensité d’exercice, la concentration de lactate dans le sang s’élève au-dessus des valeurs de base, cette intensité correspond au premier seuil lactique ou au seuil aérobie. Ce premier seuil serait aussi très proche du fat max c’est-à-dire l’intensité à laquelle on brûle la plus grande quantité de lipides. Le second seuil ou seuil anaérobie correspond à l’intensité maximale à laquelle le lactate produit peut encore être recyclé. Au-delà de ce seuil, le lactate s’accumule rapidement et l’intensité de l’exercice ne peut pas être maintenue très longtemps.
Un test de lactate consiste à mesurer la concentration de lactate dans le sang (à partir d’une goutte de sang prise au bout d’un doigt) durant un exercice dont l’intensité est progressivement augmentée jusqu’à la capacité maximale de l’athlète. Les protocoles que j’utilise comprennent des paliers de 3 minutes. L’intensité de départ et l’augmentation de vitesse entre chaque palier sont déterminées selon le niveau de l’athlète afin d’obtenir un test d’environ 30 minutes, donc avoir une dizaine de paliers. Ceci permet d’éviter une trop grande fatigue en fin de test tout en ayant suffisamment de données pour tracer une belle courbe et déterminer précisément les deux seuils ainsi que les zones d’entraînement. Pour les athlètes dont la pratique du trail est plutôt verticale, le test peut être fait avec une forte pente (15 à 20 %). Des zones d’allure à plat pourront tout de même être rapportées en faisant quelques calculs. Le test en pente s’adresse plutôt à ceux qui préfèrent avoir la vitesse verticale (m/h) que l’allure (min/km) sur leur montre, donc une minorité d’athlètes. Que ce soit pour un test à plat ou en montée, des zones d’entraînement pour l’allure et pour la fréquence cardiaque seront établies. Ces zones seront ensuite utilisées pour gérer ou analyser les efforts et pour quantifier la charge d’entraînement. L’interprétation d’une courbe de lactate est aussi très pédagogique. Voici un exemple d’une courbe de lactate idéale, pour laquelle le niveau reste bas relativement longtemps avant d’augmenter de façon exponentielle :
Avec l’entraînement, l’objectif est de voir sa courbe (et ses seuils) se déplacer vers la droite, donc de courir plus vite pour une même concentration de lactate sanguin :
Pour ce faire, il faut impérativement, la plupart des séances, maintenir une intensité relativement basse et ainsi améliorer sa capacité oxydative. En plus de la détermination précise des zones d’entraînement, l’intérêt d’un test de lactate est de le répéter dans le temps pour voir les changements qui se produisent au niveau physiologique. Aussi, les niveaux de lactate d’un athlète peuvent même nous donner une idée sur le type de fibres musculaires prédominant. Par exemple, on sait que des athlètes très endurant comme Paula Radcliffe ou Lionel Sanders ont des niveaux de lactate relativement faible, probablement en raison d’une proportion anormalement élevée de fibres musculaires lentes. De plus, même si on ne mesure pas directement l’oxydation des substrats, les résultats du test nous donne une bonne idée de la proportion de lipides et de glucides qui sont brûlés :
Finalement, il existe tout de même des alternatives et c’est possible de déterminer ses zones d’entraînement sans faire un test de lactate. Soit à partir d’un résultat de compétition (route ou piste), soit en faisant contre-la-montre de 5 ou 10 kilomètres. Ceci-dit, ce genre d’effort nécessite une certaine gestion qui rend le résultat plus variable, surtout chez les athlètes moins habitués. Le calcul des zones à partir d’une performance peut se faire avec Training Peaks, mais aussi à partir du site de Jack Daniels (l’entraîneur, pas la distillerie). Le bémol est qu’on ne peut pas déterminer précisément le seuil aérobie avec ce genre de test, la zone d’endurance fondamentale correspond alors à un certain pourcentages du deuxième seuil. C’est pour ces raisons que je crois sincèrement en l’intérêt de faire un test de lactate. Que ce soit pour s’entraîner au bon rythme, mesurer sa progression ou simplement par curiosité par rapport à sa physiologie. En tant qu’entraîneur, je trouve qu’il est difficile de suggérer à un athlète de ralentir sans avoir des données précises sur lesquelles se baser. Je crois aussi qu’en offrant des tests de lactate, j’arriverai à avoir une influence positive sur la pratique sportive d’un bien plus grand nombre d’athlètes que si je m’en tenais simplement à la planification d’entraînement. Bref, j’aimerais ainsi aider un maximum de coureurs à progresser et à performer à la hauteur de leur capacité.
Pour ceux qui voudraient tester leur limite sur un tapis roulant, j’offre maintenant ce service à Montréal. N’hésitez pas à me contacter pour prendre rendez-vous ou pour plus d’informations. Aussi, il me fera plaisir d’offrir un rabais aux entraîneurs ou aux clubs qui voudraient faire passer un test à plusieurs athlètes. Au plaisir de vous donner une bonne occasion de souffrir.